Légalité externe des actes réglementaires (CE, 18 mai 2018, n°414583)

Le Conseil d’État a une nouvelle fois limité la portée des vices de légalité externe, liés aux conditions dans lesquelles les actes administratifs sont adoptés. Ainsi, au sein de son arrêt Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT rendu le 18 mai 2018 (n°414583), le Conseil d’État limite les pouvoirs du juge, en matière de constatation des vices de légalité externe des actes réglementaires, à la seule voie de l’action. Il n’est donc désormais plus possible, par la voie de l’exception d’illégalité, ou à l’occasion du recours dirigé contre le refus d’abroger un acte réglementaire, de soulever des vices touchant à la légalité externe de l’acte. Cette nouvelle neutralisation des vices de légalité externe s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel déjà engagé depuis de nombreuses années.

L’affaiblissement progressif de la portée des vices de légalité externe

Le Conseil d’État a déjà affirmé sa volonté de limiter la portée des illégalités externes. Ainsi, depuis l’arrêt d’assemblée Danthony du 23 décembre 2011 (n°335033), la constatation d’un vice de légalité externe n’entraine plus automatiquement l’annulation de l’acte attaqué.

Le juge administratif considère en effet désormais que « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, 23 décembre 2011, n°335033).

Pour qu’une illégalité externe soit susceptible d’entrainer l’annulation d’un acte administratif, il est donc désormais nécessaire soit de démontrer que ce vice à exercé une influence sur le sens de la décision prise, soit que les intéressés ont été privés d’une garantie. Dans ce cadre, et à titre d’exemple, l’absence d’entretien préalable à la décision de ne pas renouveler le contrat d’un agent public a été considérée comme ne constituant pas un vice susceptible d’entrainer l’illégalité de la décision (ou encore, pour une application en droit de l’urbanisme : CAA LYON, 24 avril 2012, n°11LY02039).

La tendance jurisprudentielle est donc à l’affaiblissement progressif de la portée des vices de légalité externe. Par son arrêt Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, le Conseil d’État a donné une nouvelle impulsion en ce sens.

Nouvelle limite à la constatation des vices de légalité externe d’un acte réglementaire

Au sein de son arrêt rendu le 18 mai 2018, le Conseil d’État précise que : « après l’expiration du délai de recours contentieux, une [contestation d’un acte réglementaire] peut être formée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l’application de l’acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire (…). Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux ».

Ainsi, le Conseil d’État considère désormais que les vices de légalité externe d’un acte réglementaire ne peuvent être constatées qu’à l’occasion d’un recours en excès de pouvoir dirigé à l’encontre de l’acte réglementaire lui-même, dans le délai de recours contentieux.

En d’autres termes, le vice de légalité externe de l’acte réglementaire n’est plus invocable à l’appui d’un recours dirigé contre le refus d’abroger cet acte. De même, le vice de légalité externe de l’acte réglementaire ne peut plus être invoqué par la voie de l’exception d’illégalité, à l’appui d’un recours dirigé à l’encontre d’un acte pris en application de ce règlement.

Si les limites à la portée des illégalités externes posées par la jurisprudence Danthony s’avéraient pragmatiques, cette nouvelle jurisprudence Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT parait particulièrement sévère.

 

Gauthier Jamais – Avocat en droit public, Docteur en droit public
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