Pourquoi avoir organisé la fonction publique selon des statuts ?

Le droit de la fonction publique – ou plus généralement le droit de l’emploi public administratif – a pour caractéristique majeure le recrutement statutaire (autrement dit, en application de statuts généraux) au contraire du droit commun du travail où le recrutement est basé sur le contrat. Pourquoi avoir organisé la fonction publique selon des statuts ?

Ce particularisme s’explique par l’histoire du droit de l’emploi public administratif. Ainsi, pour répondre à ses besoins particuliers, l’administration dû se doter d’un personnel propre, à même d’accomplir les missions qui lui étaient dévolues. Il est dès lors évident que les besoins en personnel de l’administration ont évolué symétriquement aux évolutions de ses prérogatives. Il est par conséquent pertinent de lier le développement de l’administration française et de son personnel à l’affirmation progressive de la notion d’État, de son rôle et de ses missions.

Très rapidement, les agents au service des employeurs publics se sont vus imposer un régime juridique particulier, différent de celui applicable aux autres actifs : le droit de l’emploi public administratif. Cette originalité s’explique là aussi par la spécificité de leurs missions, par la traduction juridique d’un certain nombre de principes fondateurs qu’il conviendra d’isoler.

Le droit applicable au personnel de l’administration publique française contemporaine est donc le fruit d’une longue histoire, d’une série d’évolutions successives, elles-mêmes indissociables de l’affirmation puis de la consolidation du droit administratif.

Afin de revenir sur la longue construction de cet appareil administratif, il nous est possible de systématiser trois principes directeurs ayant conduit à constituer le droit aujourd’hui applicable aux agents des services publics administratifs – le droit de l’emploi public administratif.

En premier lieu, il nous est possible d’identifier le principe de la soumission des agents publics à des sujétions particulières (§1). En raison des tâches particulières qui leurs sont confiées, les agents publics ont toujours été soumis à des règles dérogatoires du droit commun. C’est donc par nécessité qu’un droit dérogatoire au droit commun du travail est né.

En second lieu, nous nous attarderons sur le principe de l’égal accès à l’emploi public (§2), qui aujourd’hui encore conduit à recruter les agents de l’administration par la voie de concours spécifiques. Là encore, la mise en œuvre de ce principe a contribué à la construction du droit de l’emploi public administratif.

C’est donc pour répondre à l’ensemble de ces contraintes que le principe de l’organisation statutaire de la fonction publique a été adopté (§3).

Le principe de la soumission des agents publics à des sujétions particulières

Le premier principe fondateur du droit de l’emploi public administratif est certainement le plus évident : la nécessité de soumettre les agents publics à des sujétions particulières en raison de la nature de leurs missions. De telles sujétions apparaissent dès les balbutiements de l’appareil administratif français.

Les origines de l’appareil administratif français – et par conséquent de son premier principe fondateur – sont particulièrement anciennes. Il s’agit, dans un premier temps, pour les monarques et empereurs, d’assurer la dissémination de leur volonté sur l’ensemble de leur royaume, de maintenir l’unité de leur territoire et de leur population, mais aussi et surtout de percevoir les taxes et impôts.

La période carolingienne, marquée par le renouveau du pouvoir législatif [1], voit l’apparition des missi dominici et l’édiction d’un ensemble de règles de droit leur étant applicables. Ces « envoyés du seigneur » sont soumis à des sujétions particulières ; ainsi, au titre du chapitre XVI du capitulaire De Villis, il est précisé que : « Nous voulons que nos intendants exécutent avec ponctualité ce qui leur sera ordonné (…). Celui qui se rendra coupable de négligence dans l’exécution de nos ordres ne devra plus boire à partir du moment où il aura été averti jusqu’à ce qu’il vienne en notre présence ou en celle de la reine et qu’il sollicite de nous son pardon » [2].

Durant la période Capétienne, les baillis et sénéchaux, émanations directes du pouvoir central, sont « surveillés de près par l’autorité centrale » [3].

La révolution française de 1789 ne fait que confirmer ce particularisme. Ainsi, les agents publics prêtent désormais systématiquement serment « d’être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi » [4]. Ce serment, même s’il sera violé quelques temps plus tard lorsque le Roi sera renversé, marque tout de même un retour à la conception originelle de ces agents au service de l’État, une réaffirmation de leur raison d’être. Il est à noter que la pratique des serments était déjà en vigueur sous l’ancien régime, mais réservée à seuls quelques hauts fonctionnaires [5].

Les fonctionnaires sont d’ailleurs soumis à une série d’incriminations spécifiques, conséquences de la singularité de leurs missions. Ainsi, au sein de la cinquième section du titre premier, deuxième partie, du code pénal adopté le 6 octobre 1791 on relève plusieurs « crimes des fonctionnaires publics dans l’exercice des pouvoirs qui leurs sont confiés ». Dans le même temps, une protection toute particulière leur est accordée : l’article VII de la quatrième section du titre premier, deuxième partie de ce même code pénal précise que « quiconque aura outragé un fonctionnaire public en le frappant au moment où il exerçait ses fonctions sera puni de la peine de deux années de détention » [6].

L’Empereur Napoléon Bonaparte instaure, au sein de la constitution de l’an VIII [7], un régime de responsabilité spécifique aux fonctionnaires, qui leur assure une protection particulière, là encore justifiée par la nature des tâches qui leur sont confiées [8].

L’œuvre du juge administratif – dont la compétence est justement déterminée par l’existence des sujétions particulières pesant sur les agents publics – est déterminante concernant le droit de l’emploi public administratif. C’est notamment par sa jurisprudence qu’il façonne les premières véritables définitions applicables à la matière. En effet, initialement, la définition de l’emploi public, du fonctionnaire, de la réalité que recouvre ces expressions, est particulièrement floue. Ainsi, la Grande Encyclopédie, dans son édition de 1885, précise qu’il « n’existe point de définition suffisamment claire et compréhensive du mot fonctionnaire public, et ce manque de précision a donné lieu souvent à de graves difficultés juridiques. On peut, d’une manière très générale, ranger sous ce terme toutes les personnes qui sont chargées d’assurer la marche des services publics, détiennent, à ce titre, une portion, si minime soit-elle, de l’autorité publique, et émargent au budget de l’État, du Département ou de la commune » [9].

Le juge administratif va très tôt se saisir de cette question. Implicitement en 1879, avec l’arrêt Guidet [10] rendu par le Tribunal des Conflits, sa compétence est reconnue pour les agents communaux. En 1889, avec l’arrêt Cadot [11], le Conseil d’État retient sa compétence concernant une demande indemnitaire formulée par un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Puis, en 1923 avec l’arrêt Hardouin [12], le juge administratif met en place les premiers critères d’identification du fonctionnaire : l’appartenance durable de l’agent aux cadres d’une administration, sa nomination à un emploi permanent, sa rémunération au titre d’un budget. Le juge administratif façonne donc progressivement les contours du droit de l’emploi public administratif – droit dérogatoire du droit commun en raison des sujétions particulières auxquelles sont soumis les agents publics.

Le principe de l’égal accès à l’emploi public

Le deuxième principe fondateur du droit de l’emploi public administratif est celui de l’égal accès à l’emploi public, qui conduit à la mise en place du recrutement par la voie du concours. Ce principe, d’origine révolutionnaire, est né en réaction au commerce des charges publiques – la vénalité des offices – pratiqué sous l’ancien régime. Ce mode de recrutement dérogatoire justifie, là encore, l’organisation de la fonction publique sur la base de statuts.

La vénalités des offices, mode d’accès à l’emploi public symptomatique des dysfonctionnements de l’ancien régime

Le XVIe siècle est traditionnellement considéré comme « le tournant fondamental qui voit la naissance de l’État français, donc de l’élaboration d’une administration cohérente, confiée à des agents responsables devant le souverain : il s’agit donc d’une étape essentielle de l’histoire des fonctionnaires » [13]. Malgré ce progrès notable, les tâches publiques sont alors généralement attribuées au plus offrant, sur le principe de la vénalité des offices, qui tend à se généraliser. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les monarques successifs ont quasi-systématiquement condamné cette pratique, l’interdisant même pour certains, tout en continuant tout de même à en pratiquer le commerce. En tout état de cause, cette vénalité est très mal vécue par le peuple, dont les protestations s’élèvent périodiquement à l’encontre de cette pratique [14].

Le XVIIe siècle est marqué par l’apparition – aux cotés des officiers – d’une administration parallèle menée par les commissaires, titulaires d’une commission, charge temporaire. L’idée dominante lors de l’instauration de cette nouvelle catégorie d’agents du Roi n’est pas – loin s’en faut ! – la bonne administration de l’État. Ces charges temporaires sont uniquement dédiées au financement des très nombreuses guerres menées notamment par Louis XIV [15].

Enfin, le XVIIIe siècle est marqué par quelques évolutions concernant la vénalité des offices [16] (sans pour autant remettre en cause son existence) ainsi que par la formulation de nombreuses critiques à l’encontre des officiers, dans leur immense majorité fortement corrompus [17].

On ne peut alors que constater à quel point la conception originelle de ce personnel au service de l’État – supposé loyal, dévoué et devant témoigner d’une probité à toute épreuve – a été dévoyée. Il est certain que le principe de la vénalité des offices ne permettait aucunement aux plus méritants d’accéder à des postes correspondant à leur talent.

La révolution met un terme à ce commerce des charges publiques, instaurant le principe de l’égal accès à l’emploi public, et dont la mise en œuvre concrète sera assurée, à terme, par les statuts de la fonction publique.

L’affirmation du principe de l’égal accès à l’emploi public par les révolutionnaires

Les révolutionnaires tiennent le commerce des charges publiques pour responsable des dysfonctionnements de l’administration et de la corruption alors généralisée. Fort logiquement, ils mettent immédiatement un terme à ce commerce via l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « tous les citoyens, étant égaux (…), sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » [18].

C’est sur la base de ce texte [19] que le recrutement au sein de la fonction publique s’effectue depuis lors principalement par concours. Il s’agit là, selon certains auteurs, d’un « principe sacré » [20] de la fonction publique française, de la technique soi-disant « la plus propre à assurer dans l’égalité la sélection des meilleurs » [21]. Là encore, cette spécificité concernant le recrutement justifie l’existence du droit de l’emploi public administratif.

Néanmoins, le recrutement par concours est rapidement pris en défaut : à compter du milieu du XIXe siècle commence à se développer une seconde catégorie d’agents publics, à côté des fonctionnaires. C’est en effet à compter de cette période que les recrutements sur concours ont pu être pris en défaut pour certains besoins particulièrement spécifiques de l’administration, comme « le cas d’un spécialiste du chiffrage des correspondances [ou encore] de personnels scientifiques pour les laboratoires de l’État » [22]. Pour pallier ces carences, l’administration procède à des recrutements directs.  Le respect du principe du recrutement par concours est d’ores et déjà malmené.

La révolution française apporte donc un deuxième pilier au droit de l’emploi public administratif : le principe de l’égal accès aux emplois publics, par la voie du concours. Néanmoins, comme nous avons pu le constater, il ne s’agit pas là d’un principe absolu. En effet, de nombreux besoins en personnels de l’administration n’ont pu être comblés que par le recours à des recrutements directs. Toutefois, le recrutement par concours est toujours resté le principe.

En tout état de cause, les particularismes du droit de l’emploi public administratif ont nécessité, afin d’être uniformément appliqués et pérennisés, d’opter pour une organisation statutaire de la fonction publique.

Le principe de l’organisation statutaire de la fonction publique

Si le principe d’une fonction publique statutaire est aujourd’hui acquis, il n’en demeure pas moins qu’une longue évolution a été nécessaire avant d’aboutir aux statuts unitaires adoptés au début des années 1980. Plusieurs idées principales ont permis d’aboutir à ce principe : la nécessité de formaliser une hiérarchie quasi-militaire, d’uniformiser le droit applicable à l’ensemble des agents publics, de garantir un emploi à vie afin de soustraire les agents d’éventuelles pressions politiques, d’assurer une certaine stabilité à l’action administrative. Également, les statuts représentent une sorte d’idéal social, ardemment défendu – parfois sans aucune autre justification que l’idéologie – par certains hommes politiques [23].

Ainsi, et en d’autres termes, les statuts se sont progressivement imposés comme l’outil idéal afin de concrétiser les particularismes du droit de l’emploi public administratif.

L’administration s’est dotée d’une hiérarchie calquée sur le modèle de l’armée [24], sous l’influence de l’empereur Napoléon Bonaparte : « le loyalisme, le conformisme, l’obéissance, la discipline [y régnaient] » [25]. C’est sur cette base, fortement centralisée, que se consolide progressivement l’administration. L’idée d’un statut général applicable à l’ensemble des fonctionnaires, destiné à uniformiser le droit leur étant applicable, n’est bien sûr pas encore apparue sous le premier empire. Pourtant, certains auteurs considèrent que cette idée « était déjà, sinon « dans l’air », du moins « en pointillé », en germe, dans certaines institutions ou certaines pratiques qui se développent ou se mettent en place les unes après les autres entre 1814 et 1848″ [26].

Pour autant, la nature du lien unissant l’administration à ses agents a longtemps fait débat. Il est ainsi possible de citer l’arrêt Winkell, rendu en 1909 par le Conseil d’État [27]. Principalement connu pour ses apports concernant le droit de grève des agents publics [28], cette jurisprudence apporte néanmoins quelques précisions sur la conception alors en vigueur du fonctionnaire. En effet, cet arrêt précise que : « [s’il] existe une sorte de contrat entre le fonctionnaire et l’Administration, les règles qui le régissent se trouvent dans les textes spéciaux à chaque catégorie de fonctionnaires (…) Considérant que la grève, si elle est un fait pouvant se produire légalement au cours de l’exécution d’un contrat de travail réglé par les dispositions du droit privé, est, au contraire, lorsqu’elle résulte d’un refus de service concerté entre des fonctionnaires, un acte illicite ; [les fonctionnaires grévistes] se placent eux-mêmes (…) en dehors [des] droits résultant pour chacun d’eux du contrat de droit public qui les lie à l’Administration ». En d’autres termes, et selon les dispositions de cet arrêt, le fonctionnaire est lié à l’administration par un contrat comparable au contrat de louage de service du droit privé, prévu par les articles 1780 et suivants du code civil. Cet arrêt consacre donc la notion de « contrat de travail de fonction publique » [29].

Néanmoins, cette théorie semble aller à l’encontre même de la réalité factuelle : l’accord de volontés, indispensable à la conclusion du contrat, n’est déjà que très faible, voire inexistant, dans les relations de travail entretenues entre les fonctionnaires et l’administration. En effet, la situation des fonctionnaires est toujours apparue « de moins en moins contractuelle et de plus en plus statutaire et réglementaire » [30].

Le législateur ira en ce sens. Ainsi, la loi du 23 octobre 1919 mérite d’être citée : « à la demande des préfets, les conseils municipaux sont mis en demeure d’arrêter dans les six mois les modalités de recrutement, d’avancement et de discipline des agents. À défaut, un statut type, rédigé par le Conseil d’État et fixé par un décret du 10 mars 1920, leur sera imposé » [31]. Malgré la variété phénoménale des statuts ainsi adoptés, cette initiative mérite d’être signalée. Elle marque l’arrivée du statut comme repère fondamental de l’emploi public administratif. D’un point de vue juridique, c’est ce qui singularise cet emploi, le définit et l’identifie. D’ailleurs, c’est sur cette même base – un statut applicable par défaut si aucun règlement n’est adopté par l’autorité – que plusieurs autres projets de loi sont discutés, notamment à partir de 1936 et l’arrivée au pouvoir du Front Populaire [32].

Dans la continuité de cette évolution législative, la théorie du fonctionnaire contractuel, « sévèrement critiquée tant par Hauriou que Jèze » [33], est abandonnée par le juge administratif – du moins implicitement – par l’arrêt Demoiselle Minaire du 22 octobre 1937 [34]. Le Conseil d’État y consacre la position statutaire et réglementaire du fonctionnaire, « au motif que la fonction publique n’est pas un métier comme les autres mais une fonction au service de l’intérêt général » [35].

A la veille de la seconde guerre mondiale, l’idée d’un statut unitaire n’est encore qu’un vague espoir porté par les syndicats [36]. Cet état de fait est bouleversé par la guerre. La convention d’armistice est signée entre la France et l’Allemagne le 22 juin 1940. Le 11 juillet, le Maréchal Pétain, proclamé chef de l’État, s’adresse aux Français. Il annonce notamment une réforme du droit applicable aux fonctionnaires : « les fonctionnaires ne seront plus entravés par des règlements trop étroits et par des contrôles trop nombreux. Ils seront plus libres ; ils agiront plus vite. Mais ils seront responsables de leurs actes » [37].

Cette déclaration précède l’adoption de statuts généraux applicables tant au personnel de l’État [38] qu’au personnel communal [39], concrétisant le désir latent d’uniformisation de leurs droits et devoirs. L’évolution est notable : « la philosophie de ce statut (…) fait du fonctionnaire dépositaire d’une partie de la puissance publique, placé sous un pouvoir hiérarchique rigoureux, un agent qui a plus de devoirs que de droits, plus d’obligations que de garanties » [40]. Concernant le statut des agents communaux, une particularité est à signaler : « il distingue (…) les employés exerçant des fonctions assimilables au secteur privé et soumises de ce fait au droit privé (…) et les fonctionnaires » [41]. L’ordonnance du 9 août 1944 [42] abroge l’ensemble de ces dispositions, remettant la fonction publique dans son état antérieur à la guerre.

La guerre achevée, la fonction publique toute entière doit être rebâtie ; un nouveau statut doit être adopté. Maurice Thorez, ministre d’État chargé de la fonction publique, s’attèle à cette tâche. Bien que la gestation de ce statut ait été extrêmement rapide (seulement 4 mois sont nécessaires pour aboutir au texte final [43]), les discussions avec les syndicats sont particulièrement âpres [44].

Le 19 octobre 1946, le premier statut unitaire de la fonction publique – au sens de la légalité républicaine – est adopté [45]. L’article 1er alinéa 1 de ce statut définit son champ d’application : « le présent statut s’applique aux [personnels] des cadres d’une administration centrale de l’État, des services extérieurs en dépendant ou des établissements publics de l’État ». En d’autres termes, ce statut ne concerne que le personnel de l’État. En tout état de cause, l’article 5 de ce statut précise – et ce point n’a jamais été remis en cause par la suite – que « le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire ». Il est nécessaire d’attendre 1952 [46] pour qu’enfin un statut applicable aux agents des communes soit adopté.

Les premiers véritables statuts de la fonction publique, au sens de la légalité républicaine, sont donc adoptés. La carrière  des fonctionnaires de l’État est désormais régie par un corpus de textes unitaires, garantissant une homogénéité de traitement à l’ensemble du personnel de l’administration.

Le statut s’impose alors comme un pilier fondamental du droit de l’emploi public administratif et partant de l’emploi public administratif. Cette prédominance du statut sera réaffirmée lors de l’adoption des statuts modernes de la fonction publique.

L’organisation de la fonction publique selon des statuts, fruit d’une longue histoire, se justifie donc parfaitement par la mise en œuvre concrète des principes généraux gouvernant cet emploi si particulier, au service exclusif de l’intérêt général.

Références

[1] CASTALDO André, MAUSEN Yves. Introduction historique au droit. Paris : Dalloz, 4e édition, 2013. 785 p. p. 138.

[2] RICHE Pierre, BOURNAZEL Eric, AUTRAND Françoise, dir. PINET Marcel. Histoire de la fonction publique en France – TOME 1 : des origines au XVe siècle. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1995. 482 p. p. 76.

[3] Ibidem, p. 293.

[4] IMBERT Jean, NAGLE Jean, MEYER Jean, GODECHOT Jacques, dir. PINET Marcel. Histoire de la fonction publique en France – TOME 2 : du XVIe au XVIIIe siècle. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1995. 514 p. p. 417.

[5] Ibidem, p. 416.

[6] Code pénal du 6 octobre 1791 [EN LIGNE].

[7] BIGOT Grégoire. « Les mythes fondateurs du droit administratif ». RFDA, 2000, pp. 527-536.

[8] Constitution du 22 frimaire an VIII, 13 décembre 1799. Le régime de responsabilité des fonctionnaires est déterminé par le titre VI (« de la responsabilité des fonctionnaires publics »). Il est notamment possible de citer l’article 75, qui instaure un régime d’autorisation préalable du Conseil d’État avant toute mise en cause de la responsabilité d’un agent du gouvernement : « Les agents du Gouvernement, autres que les ministres, ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions, qu’en vertu d’une décision du Conseil d’État : en ce cas, la poursuite a lieu devant les tribunaux ordinaires ». [EN LIGNE].

[9] DREYFUS Camille. La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts – Tome 17 / par une société de savants et de gens de lettres. Paris : Société anonyme de « La Grande encyclopédie », 1885. 1212 p. p. 705. [EN LIGNE].

[10] TC, 27 décembre 1879, Guidet. Sirey, 1881, 3.76.

[11] CE, 13 décembre 1889, Cadot, n°66145.

[12] CE, 9 mars 1923, Hardouin. RDP, 1923, p. 239, concl. Rivet.

[13] IMBERT Jean, NAGLE Jean, MEYER Jean, GODECHOT Jacques, dir. PINET Marcel. Histoire de la fonction publique en France – TOME 2 : du XVIe au XVIIIe siècle. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1995. 514 p. p. 13.

[14] Ibidem, pp. 17-23.

[15] Ibidem, pp. 173-273.

[16] Ibidem, p. 353.

[17] Ibidem, p. 389.

[18] Ibidem.

[19] Afin d’être parfaitement complet, il est possible de citer les écrits de Frédéric Edel (EDEL Frédéric. « Deux siècles de principe d’égale admissibilité aux emplois publics ». RFAP, 2012, vol. 142, n°2, p. 339) : « Le vocable d’égale admissibilité prend donc sa source au XVIIIe siècle dans le moment révolutionnaire et se retrouve ensuite dans tous les textes constitutionnels du XIXe siècle abordant la question. La période contemporaine, quant à elle, tend davantage à recourir à l’expression de l’égal accès : celle-ci trouve son origine dans le préambule de la Constitution de 1946 qui « garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques » et dans la jurisprudence administrative et constitutionnelle de l’après-guerre. Ces diverses formulations sont utilisées comme étant entièrement synonymes ».

[20] MONTECLER Marie-Christine de. « Les derniers des Mohicans ? ». AJDA, 2005, p. 1425.

[21] CHAPUS René. Droit Administratif général. Tome 2. Paris : Montchrestien, 15e édition, 2001. 797 p. §186.

[22] PELLETIER Pascale, MARILLIA Georges-Daniel. Les agents non titulaires des trois fonctions publiques. Paris : Éditions Berger­Levrault, 4e édition, 2007. 286 p. pp. 13-14.

[23] LE PORS Anicet. « Quel avenir pour le statut ? ». CFP, 2013, n°329, pp. 37-39.

[24] IMBERT Jean, NAGLE Jean, MEYER Jean, GODECHOT Jacques, dir. PINET Marcel. Histoire de la fonction publique en France – TOME 2 : du XVIe au XVIIIe siècle. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1995. 514 p. p. 463.

[25] PLANTEY Alain. La fonction publique, traité général. Paris : Litec, 2011. 826 p. p. 3.

[26] CHABIN Michel, LALLEMENT Jean-Noël, BIDOUZE René, SALON Serge, dir. PINET Marcel. Histoire de la fonction publique en France – TOME 3 : les XIXe et XXe siècles. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1995. 589 p. p. 69.

[27] CE, 7 août 1909, Winkell, n°37317.  Leb., p. 826 et 1296, concl. J. Tardieu. RDP, 1909, p. 494, note G. Jèze. S., 1909, III, p. 145, note. M. Hauriou.

[28] Droit qui, selon cet arrêt, n’était pas accordé aux fonctionnaires. Il convient d’ailleurs de noter, afin de contextualiser cet arrêt, la farouche opposition au droit de grève qui transparait des écrits de cette période. Ainsi, Maurice Hauriou, dans sa note sous l’arrêt Winkell, précise que : « le droit de grève, c’est le droit de guerre privé qui réapparait. Et ce n’est pas une guerre privée accidentelle, c’est une guerre privée systématique, menée par une classe qui aspire à la souveraineté ».

[29] VIDON Benoît. « Un nouvel horizon pour l’agent contractuel ». RLCT, 2006, n°15, pp. 56–59.

[30] PELLETIER Pascale, MARILLIA Georges-Daniel. Les agents non titulaires des trois fonctions publiques. Paris : Éditions Berger­Levrault, 4e édition, 2007. 286 p. p. 13.

[31] Ibidem, p. 89.

[32] Ibidem, pp. 100-104.

[33] GLASER Emmanuel. « La porosité de la situation contractuelle d’un agent public : extraits des conclusions du commissaire du gouvernement. CE, 31 décembre 2008, n°283256, M. Cavallo« . RLCT, 2009, n°45, pp. 26-29. p. 20.

[34] CE, 22 octobre 1937, Demoiselle Minaire et autres. Leb., 1937, p. 843, concl. Lagrange. D., 1938, p. 349, concl. Lagrange, note Eisenmann. RDP, 1938, p. 121, note Jèze.

[35] JEAN-PIERRE Didier. « Libres propos ». RLCT, 2010, pp. 99–101. p. 99.

[36] ROSANVALLON Pierre. L’État en France de 1789 à nos jours. Paris : Le Seuil, 1993. 369 p. p. 69 : « Le modèle du statut, sous le double effet de la pression syndicale et de l’absence d’alternative forte, a constitué une sorte d’horizon indépassable de l’idée de fonction publique. C’est pourquoi, malgré toutes les critiques dont il a pu faire l’objet, sa logique a continué à s’imposer ».

[37] DELPERRIE DE BAYAC Jacques. Le royaume du Maréchal, histoire de la zone libre. Paris : Laffont, 1975. 416 p. p. 42.

[38] Acte dit loi du 14 septembre 1941.

[39] Acte dit loi n°515 du 9 septembre 1943 et son décret d’application n°2541.

[40] RENAUT Marie-Hélène. Histoire de la fonction publique. Paris : Ellipses marketing, 2003. 96 p. p. 54.

[41] DURAND Dominique. Une histoire de la fonction publique territoriale. Paris : Éditions La Dispute, 2004. 311 p. p. 113.

[42] Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental.

[43] DURAND Dominique. Une histoire de la fonction publique territoriale. Paris : Éditions La Dispute, 2004. 311 p. p. 135.

[44] Ibidem.

[45] Loi n°46-2294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires. JORF n°0246, 20 octobre 1946, p. 8910.

[46] Loi n°52-432 du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux.

Gauthier Jamais – Avocat en droit public, Docteur en droit public
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