Référé provision et nécessité d’une demande indemnitaire préalable

Le référé provision, procédure prévue par les dispositions des articles R541-2 et suivants du code de justice administrative, est un moyen rapide et efficace d’obtenir de l’administration le paiement d’une somme dont l’exigibilité n’est pas contestable. Toutefois, suite à l’adoption du décret dit JADE du 2 novembre 2016, l’efficacité de cette procédure n’est plus aussi évidente qu’auparavant.

La nouvelle rédaction de l’article R421-1 du code de justice administrative impose en effet désormais aux requérants d’effectuer une demande indemnitaire préalable à l’introduction de toute action visant au paiement d’une somme d’argent. Cette obligation s’applique-t-elle également à la procédure de référé provision ? C’est en tout cas la position récemment adoptée par la Cour Administrative d’Appel de Marseille.

Le décret JADE et la nécessité d’une demande indemnitaire préalable

Le décret dit JADE du 2 novembre 2016 a modifié la rédaction de l’article R421-1 du code de justice administrative, bouleversant par là-même les modalités d’introduction des recours indemnitaires.

De la possibilité de lier le contentieux en cours d’instance…

Avant l’intervention de ce décret, l’article R421-1 du code de justice administrative se contentait d’affirmer que « sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ». Sur cette base, la jurisprudence a considéré que tout recours indemnitaire se devait nécessairement d’être précédé d’une demande en ce sens à l’administration.

Le Conseil d’Etat a quant à lui considéré, au sein d’un arrêt Association Française du Sang rendu le 11 avril 2008, « qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n’avait présenté aucune demande en ce sens devant l’administration lorsqu’il a formé, postérieurement à l’introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l’administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue » (CE, 11 avril 2008, Association Française du Sang, n°281374). En d’autres termes, le Conseil d’Etat offrait la possibilité aux requérants de lier le contentieux en cours d’instance, même après avoir saisi le juge.

… à la nécessité d’une décision préalable.

Le décret JADE a bouleversé cet état de fait. Désormais, l’article R421-1 du code de justice administrative précise que « lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle ».

Plus aucune possibilité de régularisation n’est donc offerte aux requérants distraits : la demande doit être préalable, et la requête ne peut être enregistrée qu’après naissance d’une décision de l’administration. A défaut, la sanction est claire : l’irrecevabilité de la requête.

Une obligation également applicable aux procédures de référés provision

L’obligation d’une décision préalable à tout recours indemnitaire est désormais clairement établie. Une telle obligation s’étend-elle également aux procédures de référé provision ?

La Cour Administrative d’Appel de Marseille a récemment considéré que oui : « s’il résulte des termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative que l’office du juge des référés peut s’exercer en l’absence d’une demande au fond, l’article R. 421-1 du même code impose au requérant de rechercher, avant toute saisine du juge, la position de l’administration sur sa demande tendant au versement d’une somme d’argent. L’existence d’une procédure obligatoire de liaison du contentieux indemnitaire fait ainsi obstacle à ce que l’auteur d’une demande de provision saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé » (CAA de Marseille, 18 mai 2018, n°18MA02160).

L’introduction d’un référé suspension nécessite donc désormais de lier préalablement le contentieux, ce qui ne manquera pas, pour les justiciables, d’induire un allongement des délais de paiement.

Gauthier Jamais – Avocat en droit public, Docteur en droit public
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