Prestations juridiques et marchés publics : une exclusion qui tarde…

Le choix d’un avocat est par principe libre. La relation de confiance serait en effet difficile à instaurer si l’avocat était imposé à son client. C’est dans cette optique, par exemple, que les contrats d’assurance protection juridique doivent stipuler que « l’assuré a la liberté de choisir un avocat » (article L127-3 du code des assurances). Cette liberté de choix n’est cependant pas absolue. Elle doit se conjuguer avec d’autres réglementations, comme celles des marchés publics.

L’État français a ainsi considéré que les prestations fournies par les avocats devaient par principe être soumises au droit des marchés publics et à ses procédures contraignantes. Cette situation semble toutefois être en passe d’évoluer, le gouvernement ayant annoncé son intention d’exclure certaines des prestations offertes par les avocats du champ d’application des marchés publics.

Une évolution favorable à l’exclusion de certaines prestations juridiques du champ des marchés publics

Lorsqu’une personne publique entend avoir recours à un avocat, elle doit par principe, en France, s’inscrire dans le cadre d’un marché public.

Toutefois, la directive européenne 2014/24/UE du 26 février 2014, relative à la passation des marchés publics, en a décidé autrement. Son article 10 a en effet exclu les prestations juridiques, souscrites en vue ou dans le cadre d’un contentieux, du champ d’application des marchés publics.

Toutefois, l’ordonnance du 23 juillet 2015, portant notamment transposition de cette directive européenne, n’a pas exclu les prestations juridiques du champ des marchés publics. Pour ce motif, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l’Ordre des avocats du barreau de Paris ont saisi le Conseil d’État d’un recours, rejeté par arrêt du 9 mars 2016 (CE, 9 mars 2016, n°393589).

Le gouvernement a toutefois annoncé en octobre 2018 sa volonté de revenir à l’esprit de la directive européenne du 26 février 2014 et donc d’exclure les prestations juridiques, souscrites en vue d’une procédure juridictionnelle, du champ des marchés publics. Ainsi, le gouvernement a précisé qu’il ne sera prochainement « plus nécessaire aux administrations de passer par un appel d’offres pour faire appel à un avocat en vue d’une procédure juridictionnelle ».

L’ordre des avocats du Barreau de Paris s’est réjoui de cette annonce. S’est-elle concrétisée ?

Des prestations juridiques encore aujourd’hui soumises aux marchés publics

L’annonce gouvernementale d’octobre dernier a donné lieu au dépôt d’un projet de loi au Sénat le 3 octobre 2018, intitulé « projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ». Adopté le 8 novembre 2018, ce projet a été soumis à l’assemblée nationale, qui l’a transmis à sa commission des affaires économiques. On ignore encore, pour l’heure, quand ce projet sera soumis au vote des parlementaires.

Alors que l’adoption du nouveau code de la commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019, aurait pu constituer l’occasion rêvée de procéder à cette réforme, cela n’a pas été le cas.

Ainsi, et à ce jour, les prestations juridiques souscrites en vue ou dans le cadre d’une procédure juridictionnelle demeurent soumises aux marchés publics. On ignore quand et si il en ira un jour autrement…

Pour autant, lorsque les besoins des personnes publiques sont limitées, elles conservent encore la possibilité de « passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 euros hors taxes » (article R2122-8 du code de la commande publique). Les modalités d’évaluation de la valeur de ce besoin sont précisées par les dispositions des articles R2121-6 et R2121-7 du code de la commande publique.

Gauthier Jamais – Avocat en droit public, Docteur en droit public
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