La requête en déclaration d’inexistence : le REP sans condition de délai

Les recours en excès de pouvoir (REP), dirigés contre des actes administratifs, sont enserrés dans des délais stricts. Plusieurs articles de ce blog ont déjà été consacrés à cette question, concernant les actes administratifs individuels ou encore le délai de recours à l’encontre de l’acte initial lorsque la décision de retrait a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle. En tout état de cause, et en règle générale, le délai de recours à l’encontre d’un acte administratif est de deux mois à compter de sa publication ou de sa notification, sauf lorsque les délais et voies de recours applicables ne sont pas précisés. Toutefois, dans certaines conditions particulières, lorsque l’acte est d’une illégalité telle que son existence même est remise en cause, il est possible d’agir n’importe quand, sans condition de délai, par le biais d’une requête en déclaration d’inexistence.

La possibilité d’exercer un recours en excès de pouvoir (REP) sans condition de délai peut s’avérer particulièrement intéressante. Il s’agit toutefois d’une exception aux règles procédurales habituelles, puisque cela fragilise grandement le principe de sécurité juridique prôné par le Conseil d’État. Il s’agit de la raison pour laquelle une requête en déclaration d’inexistence, pour être examinée par le juge administratif, se doit de répondre à des conditions particulièrement strictes.

La nécessité d’une illégalité telle que l’existence même de l’acte administratif est remise en cause

Pour être recevable, une requête en déclaration d’inexistence doit être dirigée à l’encontre d’un acte dont l’existence même fait débat. Cela recouvre plusieurs hypothèses, révélées par la jurisprudence. Nous évoquerons ci-après quelques exemples marquants.

Il peut par exemple s’agir du cas où la qualité de l’auteur de l’acte a été usurpée. L’inexistence de l’acte administratif a ainsi été constatée lorsqu’un Préfet a lui même déclaré la nullité d’opérations électorales, alors même que seul le juge administratif peut y procéder (CE Ass., 31 mai 1957, n°26188 et 26325. Leb.). Le cas s’est également présenté lorsqu’il s’est avéré qu’un maire était en réalité l’auteur d’actes présentés et qualifiés de délibérations du conseil municipal (CE, 28 février 1986, n°62206. Leb.).

Des actes qui heurtent les principes fondamentaux du droit public ont également été réputés inexistants. Il peut par exemple s’agir d’une nomination pour ordre, c’est-à-dire de la nomination d’un fonctionnaire qui, en réalité, n’occupe pas les fonctions dans lesquelles il vient d’être nommé. L’acte de nomination est alors réputé n’avoir jamais existé. Cela a par exemple été le cas pour la nomination d’un Procureur de la République qui en réalité occupait des fonctions de directeur de cabinet du Garde des Sceaux (CE, 18 janvier 2013, n°354218) ou encore pour la nomination d’un attaché d’administration qui était en réalité en position de détachement pour exercer plusieurs mandats électoraux (CE, 5 mai 1971, n°75655. Leb.).

L’illégalité entachant l’acte doit donc être particulièrement grave, à tel point que son existence même est remise en cause. Dans cette hypothèse, le recours en excès de pouvoir est recevable sans condition de délai.

Une requête alors recevable sans condition de délai

Dès lors que l’illégalité constatée par le juge revêt un caractère particulièrement grave, au point que la l’existence même de l’acte est remise en question, le recours en excès de pouvoir dirigé à l’encontre de cet acte est recevable sans condition de délai.

Le Conseil d’État précise ainsi que le juge peut constater l’inexistence d’un acte « sans condition de délai » (CE, 28 février 1986, n°62206. Leb., précité). Est donc fort logiquement censuré par la Cour Administrative d’Appel un « tribunal administratif [qui] a opposé à une telle demande les conditions de délais applicables au recours pour excès de pouvoir » (CAA PARIS, 9 aout 2006, n°06PA01227).

L’office du juge en la matière a été synthétisée par le Tribunal Administratif de MONTPELLIER : « il appartient au juge administratif de constater, sans conditions de délai, qu’un acte administratif est nul et de nul effet, compte tenu des conditions dans lesquelles il a été discuté, lorsqu’il n’a pas d’existence matérielle, ou lorsque la gravité des vices affectant sa légalité l’entache d’inexistence juridique » (TA MONTPELLIER, 8 janvier 2008, Association Trait d’union Languedoc-Roussillon, n°0505643).

 

Extrêmement restrictive dans ses conditions de recevabilité, la requête en déclaration d’inexistence demeure un moyen efficace de soumettre à la censure du juge un acte dont l’illégalité est telle que son maintien en vigueur heurterait les principes fondamentaux de l’état de droit.

Gauthier Jamais – Avocat en droit public, Docteur en droit public
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